Communiqué du 1° octobre 2008
Réseau National de l'Assainissement Écologique
C O M M U N I Q U É
pour une véritable reconnaissance de l'assainissement écologique
Nous, structures françaises oeuvrant au développement de l'assainissement écologique,
souhaitons faire entendre notre avis sur le projet d'une nouvelle réglementation encadrant les
aspects techniques relatifs à l'assainissement non collectif (arrêté ministériel devant remplacer celui
du 06 mai 1996).
Les structures appartenant au Réseau National de l'Assainissement Écologique oeuvrent chacune
et depuis plusieurs années au développement de différentes techniques d'éco-assainissement pour
une meilleure protection de la nature et de nos ressources. Ces travaux se mènent en marge d'une
législation qui était jusque-là très rigide et qui ne permettait pas l'innovation. Nous considérons ce
projet d'un nouvel arrêté comme l'occasion de faire reconnaître l'efficacité de l'écoassainissement,
toutefois nous sommes inquiets au regard des projets de texte dont nous avons eu la connaissance.
En effet, ce texte qui à première lecture semble apporter quelques avancées avec notamment la
reconnaissance des toilettes sèches, témoigne malheureusement d'une vision de l'assainissement
dépassée que nous trouvons très éloignée de l'intérêt collectif. Nous souscrivons entièrement aux
objectifs généraux que sont la non-atteinte à la salubrité publique, à la qualité du milieu récepteur et
à la sécurité des personnes. Cependant le texte nous semble comporter certaines dispositions qui
limiteront fortement les possibilités d'atteinte de ces objectifs.
Quelle justification à l'obligation de traitement commun de l'ensemble des eaux usées ?
Ce
premier point est pour nous d'une importance capitale. Obliger les
particuliers à mélanger leurs eaux vannes (provenant des WC) avec leurs
eaux ménagères (venant des cuisines et salles de bains) ne nous semble
pas plus légitime que de leur interdire de trier leurs déchets
ménagers. Ces deux types d'eaux usées ont des caractéristiques très
différentes et un traitement séparé a de nombreux avantages :
- les
organismes pathogènes, présents essentiellement dans les fèces, restent
confinés au lieu d'être dilués dans l'ensemble des eaux usées, assurant
ainsi une meilleure protection de la santé ;
- les eaux ménagères représentent environ 70 % du volume des effluents domestiques mais contiennent une
pollution
totale très faible, les eaux vannes ayant de loin la plus grosse
charge. Elles peuvent être traitées par des techniques simples et peu
coûteuses ;
- après un traitement adéquat les eaux ménagères peuvent
être valorisées facilement au jardin entraînant des économies d'eau non
négligeables. Il en est de même des urines et des fèces qui sont
d'excellents fertilisants.
Beaucoup d'autres arguments techniques,
économiques et sanitaires justifient un traitement séparé des
différentes fractions de nos rejets domestiques. La séparation est un
des piliers de l'écoassainissement. Elle est très simple à mettre en
place pour des habitations individuelles mais est également
envisageable pour des projets collectifs comme le montrent de
nombreuses réalisations en Europe et ailleurs. Il nous semble évident
que c'est la voie que devra suivre l'assainissement dans les années à
venir, qu'il soit collectif ou non collectif.
Pour une reconnaissance des alternatives écologiques et une responsabilisation des particuliers !
Reconnaître l'intérêt d'un traitement séparé pour les effluents domestiques a un impact considérable sur
l'ensemble du texte de l'arrêté et en particulier sur les moyens à mettre en oeuvre et les objectifs à atteindre.
Traiter en commun toutes les eaux usées domestiques est une tâche complexe et couteuse : cela représente
un
gros volume d'eau fortement pollué et fortement contaminé. A l'inverse,
un traitement différencié permet des techniques simples, adaptées à
chaque type d'effluent et au lieu d'implantation. Pourquoi serait-il
interdit de dévier les eaux de son évier vers une petite tranchée
d'infiltration-irrigation assurant l'arrosage de quelques arbres
fruitiers ? Ce type de mini-système de traitement apparemment rustique
n'en est pas moins intelligent, efficace et très simple à mettre en
place. D'autres systèmes tels que la phytoépuration ont largement fait
la preuve de leurs performances épuratoires, analyses à l'appui.
Il
nous semble important que la réglementation laisse à ceux qui le
souhaitent la possibilité de se renseigner, de se former, de proposer
voire de réaliser eux-mêmes des solutions d'assainissement efficaces,
adaptées à leur situation et à leurs moyens. Cela inciterait les
particuliers à s'intéresser à ce sujet trop souvent oublié et
participerait ainsi au développement d'une culture de
responsabilisation de chacun vis-à-vis de ses impacts sur
l'environnement.
A l'opposé de cette démarche, la logique des systèmes non collectifs conventionnels ne nous semble aller ni
dans
le sens de l'intérêt du consommateur de par leurs prix, ni dans celui
d'une protection efficace de l'environnement au vu du bilan écologique
de leur fabrication (terrassements lourds, transport ...), de leur
fonctionnement (déplacements pour les vidanges, consommation
électrique) et de leur devenir en fin de vie (mise en décharge,
retraitement). Elle apporte peut-être une réponse à court terme aux
inquiétudes de l'Etat vis-à-vis de l'impact des eaux usées domestiques
des particuliers mais elle entretien une logique de
déresponsabilisation des citoyens que nous ne saurions cautionner.
Nous
n'appelons pas pour autant à une tolérance plus grande du législateur
envers les systèmes écologiques. Un particulier faisant une telle
proposition doit être en mesure de la justifier et de la défendre. Mais
les SPANC ne sont-ils pas là pour apprécier la qualité de ces
propositions ?
Quelques améliorations à apporter à l'article sur les toilettes sèches.
La reconnaissance des toilettes sèches est une avancée certaine de ce projet de texte, bien qu'elle soit faite
prudemment,
en ne leur donnant que le statut de filière dérogatoire. Il nous
semblerait plus cohérent d'élargir la définition d'une installation
d'assainissement aux systèmes assurant une collecte sans eaux des
excrétas
humains.
L'article encadrant les toilettes sèches exige
des modalités de gestion en contradiction avec le fonctionnement et les
objectifs de ces systèmes : dans les toilettes à séparation des urines,
les fèces ne sont pas forcément traitées par séchage (technique
difficile à réaliser dans les conditions climatiques françaises et à
faible potentiel hygiénisant). Il n'est pas non plus souhaitable
d'exiger que les urines soient dirigées vers le reste des eaux usées.
C'est effectivement une des options possibles, mais d'autres solutions
sont envisageables.
Nous souhaitons également rappeler que les aires de traitement des matières de vidange des toilettes sèches
ne
doivent pas nécessairement être étanches vis-à-vis du sol. On reconnaît
bien à ce dernier un pouvoir épurateur permettant d'y envoyer chaque
jour de gros volumes d'eau polluée et contaminée. Il se chargera sans
problème du traitement des quelques litres éventuels venant des aires
de vidanges pour toilettes sèches. Celles-ci sont, dans la plupart des
cas, des aires de compostage et doivent pouvoir être en contact direct
avec le sol qui héberge naturellement les organismes composteurs.
L'assainissement écologique, une solution durable et efficace !
L'assainissement ne se limite pas à la simple évacuation et au traitement d'un déchet qu'on appelle les eaux
usées. C'est un processus important durant lequel les activités humaines doivent restituer à la nature ce
qu'elles y ont prélevé, à savoir de l'eau, de la matière organique et des nutriments. Cette façon de voir les
choses n'est pas une simple vue de l'esprit mais un défi technique dont dépend la qualité de nos rivières, la
potabilité de notre eau et la richesse de nos sols.
De
nombreux spécialistes s'accordent aujourd'hui pour dire que notre
gestion actuelle de l'eau et de l'assainissement n'est pas durable.
Elle est basée sur une vision beaucoup trop linéaire qui gaspille
honteusement des ressources non renouvelables (nappes phréatiques,
nutriments dont particulièrement les mines de phosphore etc.) et ne
rend pas aux terres agricoles la matière organique nécessaire à leur
équilibre.
L'écoassainissement propose une approche beaucoup plus globale basée sur une réduction de la pollution
à la source et sur une connaissance précise des rejets domestiques permettant un recyclage maximal (eau,
nutriments, matière organique) voire une production d'énergie (par méthanisation) grâce au traitement séparé.
Plusieurs
techniques ont été développées pour mettre en oeuvre ces principes,
depuis des systèmes très simples comme les toilettes sèches jusqu'à des
options plus techniques en milieu urbain.
Au vu des enjeux liés à
l'assainissement et des doutes sérieux qui pèsent sur l'efficacité
technique et financière et sur la durabilité des systèmes
conventionnels, nous invitons les pouvoirs publics à s'impliquer dans
la connaissance et la diffusion des alternatives écologiques. Quelque
soit le contenu final de l'arrêté, nous continuerons notre travail de
sensibilisation auprès des particuliers et des collectivités locales.
Nous sommes bien entendu ouverts à toute proposition de collaboration
pour aider au développement de l'écoassainissement.
RNAE, 1er octobre 2008
Structures signataires : Approche - Aquaterre – ARESO - Bio Ch'min - Cabinet Aconsult - La Cacaravane - Eau Vivante - Ecolette - Eco Toilettes - Ecosphère Technologie - Empreinte - Fédération Corrèze-Environnement - Epurscop - Les Gandousiers - Humus 44 - Humusséo - Jeune Pousse - Label Verte - LightWater - La Maison de l'Ecologie - Medio Terraque - Naturalô - Patrimoine eau naturel - Réseau Aquatiris - SINT - Solarfuture - Terr'Eau - Terhao - Terre de Mauripe - TLB du Rhône - Toilettes Du Monde - Un petit coin nature - Vitalisons Gaïa
Pour signer ce communiqué ou pour toute remarque : assainissementecologique@yahoo.fr
Réseau National de l'Assainissement Ecologique – communiqué de presse – octobre 2008